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Assistant maternel : un outil pour rompre l’isolement et affirmer son rôle de professionnel

Psychopédagogue, intervenante petite enfance, je suis engagée aux côtés des assistants maternels depuis de nombreuses années, dans différentes régions, et par diverses approches telles que la formation, en lieu d’accueil, de parole et de jeu, interventions pour l’UFNAFAAM, ou encore en recherche sur la professionnalisation.


Constat d’une évolution rapide de la profession
Une pause professionnelle (mais toute maternelle !) m’a permis d’observer le secteur de la prime enfance et d’être témoin des avancées de la profession d’assistant maternel ces 10 dernières années. Et quel tableau ! : Un temps de formation initiale doublé et ce dans des conditions adaptées à la réalité de la profession, des formations continues soutenantes, journées d’étude, conférences, le tout dans un cadre de qualité au cœur du réseau français de la petite enfance. Des professionnels engagés, souvent diplômés, désireux d’exercer cette profession par choix et non par nécessité, des professionnels inscrits dans une démarche de professionnalisation, demandeurs même de plus de formation et d’une évolution de carrière. Et que dire des nombreux  sites internet dédiés à la profession, structurés et riches, ainsi que des outils de travail spécifiques (formulaires administratifs, manuels…) et des contrats d’assurance personnalisés. Par ailleurs les relais d’assistants maternels (RAM) répondent toujours mieux aux demandes de chaque acteur de l’accueil : enfant /assistant maternel / parent, et aujourd’hui poussent les maisons d’assistants maternels (MAM), où des professionnels s’associent sur un lieu de travail commun. Sans parler du mobilier et autres matériels pédagogiques toujours plus attrayants et  innovants. 
Que d’évolutions sous l’impulsion de ces élans de professionnalisation ! Face à ce constat je n’ai pu dans un premier temps que me réjouir pour ces professionnels. Dans un premier temps certes, mais c’était sans retourner sur le terrain, sans discuter avec les professionnels, sans les écouter. Car bien entendu  ravis de toutes ces améliorations de leur statut et de leur cadre professionnel, les assistants maternels n’en ressentent pas moins ce besoin d’échanges de pratiques trop souvent négligés dans les temps de formation.
Il m’apparaît que cet afflux d’outils au service de l’assistant maternel, indéniablement utiles et structurant de son travail au quotidien, a masqué davantage le manque cruel de soutien du professionnel lui-même. Cette apparente panoplie complète du parfait assistant maternel  a contribué à creuser encore ce grand vide ressenti par nombre d’assistants maternels. La réalité des besoins en matière d’accueil (« environ un tiers des enfants de moins de trois ans dont les deux parents travaillent sont accueillis par un des 426 400 assistants maternels agréés » in Quel avenir pour les jeunes enfants ? Centre d’Analyse Stratégique, note d’analyse n°257, janvier 2012) contribuent à placer le  professionnel dans une immédiateté et une urgence au quotidien qui ne laissent aucune de place au recul.
Suffit-il donc que la professionnalisation soit  visible aux yeux de tous pour être réelle et satisfaisante ? La professionnalisation n’est-elle donc que toute matérielle et palpable ? Non, la professionnalisation de l’assistant maternel ne peut s’opérer sans réelle prise en compte de la personne dans sa globalité, dans sa complexité, extérieure et intérieure.

 

Parole, parole… un temps pour dire son ressenti
Nous ne reviendrons pas sur les origines du métier, le rôle la nourrice au sens premier du terme. Nous ne parlerons pas non plus de la réalité des conditions de travail des assistants maternels, au cœur de leur domicile, et qui plus est en partie sur des tâches qui se répètent dans le cadre privé (jeu et apprentissages, repas, toilette, par exemple). Ces faits sont des réalités dont la profession ne parviendra jamais totalement à se départir car c’est par eux que le métier d’assistant maternel s’est écrit. Il nous faut donc composer avec et c’est à quoi les mouvements de professionnalisation travaillent et parviennent pour inscrire les assistants maternels dans du professionnel et dans une approche globale des métiers de la petite enfance.
Mais comment penser une profession sans échanges professionnels réguliers ? Comment une profession peut-elle être cohérente et organisée sans notion d’équipe, sans que ses acteurs se sentent inscrits au sein un groupe référent soutenant ? Certes l’assistant maternel exerce seul et c’est là une des spécificités de son métier, mais cela ne doit pas pour autant aller de pair avec isolement et questionnement sans réponse. Toute pratique professionnelle engendre interrogation, remise en question, ajustement… mécanismes qui demandent le regard de l’autre et l’intervention d’un tiers.
Les émotions et la parole s’imposent comme des outils de travail pour l’assistant maternel, et les outils doivent être entretenus. Les émotions (sensibilité, patience, attention…) ici se jouent dans un contexte professionnel et les parler en groupe, donc dans un cadre professionnel va permettre de les comprendre pour mieux les maîtriser, de les gérer.  Et on ne peut imaginer qu’il s’agisse ici uniquement du quotidien des assistants familiaux; tout assistant maternel est aux prises avec ces mouvements émotionnels. C’est en cela qu’il m’apparaît indispensable d’ouvrir des groupes de paroles pour ces professionnels.
Exprimer ce qui nous pèse, « vider son sac » dira une assistante maternelle, expression transformée en « vider sa poubelle » par une autre ; force est d’accepter qu’on est bien là face à quelque chose qui encombre, et dont il faut se garder d’être envahi…
Certes un groupe de parole permet de rompre l’isolement mais plus encore il favorise l’échange des pratiques et des expériences, l’analyse des situations vécues. Il est tout aussi soutenant pour  garder la bonne distance  avec les enfants mais aussi avec les parents, et garder la bonne distance signifie asseoir son statut de professionnel.
Il s’agit bien là de formation, informelle certes mais réelle car l’échange rassurant, structurant, affirme le professionnel dans son rôle.

Parole, parole…un temps pour asseoir sa profession
Une profession s’exerce dans un cadre qui doit lui être propre; il me semble que tous les professionnels qui travaillent à leur domicile (et souvent dans un bureau plus que dans toutes les pièces de la maison !) le font sur une partie de leur temps seulement et sont amenés à intervenir ou à présenter leur travail à l’extérieur et ainsi partager et s’enrichir.
Nombre d’assistants maternels, une fois la porte refermée derrière les derniers parents, se retrouvent avec leur lot de questions, de préoccupations, d’expériences qu’ils souhaiteraient partager. Echanger c’est aussi sortir de cette immédiateté, de l’urgence du quotidien qui nous empêche de prendre du recul. Car il est difficile de se valoriser et de se renvoyer une véritable image de professionnel tant qu’on ne créée pas un espace professionnel pour une réflexion  commune sur notre profession.
Et le groupe permet ça, de se détacher de son propre rôle et de se regarder travailler. On s’enrichit des expériences des collègues et on se renforce dans sa place de professionnel de la petite enfance.
Cette formation informelle et indispensablement complémentaire à la formation. Entendre les autres professionnels c’est relativiser sa propre situation, ses difficultés.


 

Un intervenant neutre et une démarche volontaire
L’intervenant qui mène le groupe d’échange de pratiques se doit d’être extérieur au réseau professionnel de l’assistant maternel  (RAM, PMI, travailleurs sociaux…) pour deux raisons. D’une part parce que la parole est libérée face à un tiers qui ne risque pas –même malgré lui- de reprendre les propos tenus au sein du groupe pour les transposer dans la réalité de la pratique, ce qui pourrait s’avérer gênant voire pénalisant pour l’assistant maternel. D’autre part parce que l’intervenant extérieur qui n’est pas au cœur des situations professionnelles évoquées pose un regard neutre et différent, et par là même ouvre des pistes de réflexion nouvelles.
C’est en cela aussi que le groupe de paroles peut se vivre comme un temps de ressource pour l’assistant maternel qui sait qu’il n’est pas jugé, jaugé. Chacun s’exprime, ou pas, sans contrainte, sans que rien ne sorte du groupe. Bien entendu une situation lourde qui serait évoquée ferait l’objet d’une orientation vers un professionnel adapté.
Il me semble malgré tout que l’animateur du groupe doit avoir une connaissance précise de  la profession d’assistant maternel et de ses spécificités, et être en empathie avec ces professionnels.
Ajoutons finalement que participer à un groupe de paroles relève d’une démarche volontaire et d’un engagement, et ne doit en aucun cas être imposé… pour ne pas risquer de voler la richesse du groupe et de transformer ce temps précieux en discussions improductives. Il n’empêche que le temps d’échange se doit d’être convivial et empreint de bonne humeur !

Echanger, écouter, entendre, sont des élans formateurs. « Réfléchir » c’est se regarder et accepter un retour ; « comprendre » c’est prendre ensemble, et avancer. Vers le mieux-être du professionnel.


CONTACT
Psychopédagogue, formée à l’écoute et à l’animation de groupes de paroles, ceux que j’anime ne sont pas à visée analytique mais des temps de partage d’expériences, d’échange de pratiques, organisés en cycle de rencontres.
J’aime partir d’un mot (la parole, le respect, la curiosité, évoluer/évaluer, aménager…). Les thèmes établis à l’avance ou une question d’un participant sont également des entrées pour démarrer des rencontres.
Chaque demande est adaptée, pensée et construite avec le groupe.

              © 2012 Laurence Chanu. Tous droits réservés

Laurence Chanu - Formation conseil 

Auto-entrepreneur n° 423 594 654 - Prestataire de formation n° 93.13.14526.13

 

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